jeudi 13 octobre 2016

Un mois vu et lu, septembre 2016

C'était la rentrée, on y a globalement survécu.

Des séries :
Impression globale : trop de boulot, besoin de détente à bas coût intellectuel. Et ça se ressent un peu, avec l'impression persistante d'avoir dans l'ensemble perdu mon temps...
 
The expanse
Un space-opéra traditionnel hybridé avec une enquête policière. On y suit deux narrations et deux anti-héros : l'un, capitaine de vaisseau, est un petit gars propre sur lui trop intelligent pour son propre bien, tout comme la SF américaine les aime bien (et sa super équipe et son super vaisseau), l'autre est un flic corrompu mais tenace, avec un chapeau mou inutile dans l'espace mais fidèlement porté. Les deux enquêtes se rencontrent, les personnages féminins sont très bien, mais malgré des acteurs sympathiques, tout reste très, très classique.

Outsiders
En matière de série, j'ai globalement très mauvais goût.
Ma dernière expérience dans ce registre est la série Outsiders, honteux sous-produit de Sons Of Anarchy, qui ne décide jamais si elle est la petite maison dans la prairie, le Seigneur des anneaux ou un documentaire M6 sur l'exploitation de la nature par les grandes entreprises.
On y suit une très grande famille de laissés-pour-compte, les Ferell, qui vivent depuis un bon bout de temps (les vagues d'immigrations Américaines? Les Indiens ? les scénaristes laissent ça sur le côté, il ne faudrait pas lasser le public) sur leur montagne, parlent une langue étrange qui ressemble à du Hobbit, pratiquent le troc et sont gouvernés par une matriarche intransigeante à la langue bien pendue. Comme ils se marient entre eux, ils s'appelent tous cousins sans le moindre second degré (oui, vraiment). Pour la coolitude, ils ont cheveux et barbes longues, et une production d'alcool locale légendaire, dont la série nous apprendra que ne la boit pas qui veut (il vaut mieux avoir le foie en adamentium trempé).
Evidement, ça ne se passe pas très bien avec les habitants de la petite ville en bas de la montagne, dans laquelle ils ne passent que pour piller l'épicerie en quad (oui, vraiment bis). Mais nos outsiders vont se retrouver contraints à parlementer avec les habitants lorsqu'un projet de mine, apporté par une compagnie aussi retorse que l'employée qui les repésente, cherche à les exproprier. Ajoutons à tout ça un pseudo drame shakespearien de la quête du pouvoir corrupteur, un sherif alcoolique et drogué, des méchants très méchants, une love story mignonette et une autre pas intéressante, et le résultat est d'un mauvais goût excentrique, qu'on regarde avec perplexité en essayant de comprendre s'il y a un récit et où celui-ci peut bien aller.
S'il faut en juger le dernier épisode de la saison 1, l'inventivité des scénaristes dans ce domaine est bien supérieure à la nôtre, d'autant plus qu'ils ont fait l'impasse sur tout souci de réalisme depuis un bon moment déjà.
Définitivement n'importe quoi, bizarrement sympathique.
 
Happy Valley
Cette série britannique est l'inverse de celle précédemment citée. On y suit le difficile quotidien d'une policewoman anglaise, dans une petite ville sinistrée par la crise. Elle a la cinquantaine et un sacrée caractère, vit avec sa soeur, une ancienne alcoolique, en couchant de temps en temps avec son ex-mari, et en élevant péniblement son petit-fils, fruit du viol de sa fille, décédée peu après la naissance de l'enfant. Il y a un coupable pour cet ancien crime qui a bouleversé sa famille, et nous allons le rencontrer bien assez tôt... Happy Valley est une grande série, qui a le souci de dépeindre la Grande-Bretagne avec réalisme. Nul n'y est juste, nul n'y est bon : les hommes politiques ont des passe-droits, les comptables se lancent dans le kidnapping, et les policiers mènent leurs guérillas personnelles. L'ambivalence et la mesquinerie de l'âme humaine, à hauteur de village, servis par des acteurs brillants. 
Et en plus, le discours est profondément féministe


Et des livres : 
Impression globale : un peu pareil. J'en arrive au stade où ma curiosité renâcle un peu, il est temps de trier pour lire des choses plus satisfaisantes.


Les variations Sebastian et Dernière nuit à Montréal, d'Emily St John Mandel
Lus à la suite de Station Eleven, pour mieux appréhender le style et les intérêts de l'auteur, ces deux livres présentent des similarités qui laissent transparaître certaines obsessions. Ce qui me touche, c'est qu'on retrouve en creux des êtres humains fragiles qui tentent de survivre dans la société moderne. Qu'il s'agisse du petit ami, chercheur raté et pantouflard peureux de Dernière nuit à Montréal, aux beaux portraits du quatuor de musiciens dont les promesses de l'adolescence ne se sont jamais concrétisées, dans Les variations Sebastian, il y a tout un motif du mal-être, de l'inadaptation face à notre monde et à ses dysfonctionnements, que le personnage de Miranda dans Station Eleven illustre également. Il me semble que c'est un motif qui parcours tous les écrits de St John Mandel, avec des personnages englués dans des mécanismes (sociaux, psychologiques, professionnels...) plus forts qu'eux, errant dans des vies qu'ils jugent vides de sens et qui, si elles en trouvent, n'en ont que pendant un court instant.
Lire Emily St John Mandel, c'est ressentir en note de fonds une forme de mélancolie sarcastique face à la réalisation de l'inutilité de l'être moderne, réduit à l'état de machin sentimental et complexé cherchant aveuglément une voie d'accomplissement, ce qui le conduit à emprunter des voies auparavant légitimes que l'évolution de la société a condamnées, distordues, ridiculisées, et qui ne peuvent plus être que destructrices (je pense au jeune journaliste des Variations Sebastian, conduit peu à peu à renier les valeurs du journalisme pour conserver son travail, au consultant en ressources humaines de Station Eleven, qui mène sans s'interroger des séances de dénonciation sur d'autres professionnels).


La fille qui naviga autour de Féérie sur un bateau construit de ses propres mains, Catherynne M. Valente
J'aime beaucoup cette autrice pleine d'audace et de bonnes idées. Le roman en question est un livre jeunesse qui devrait faire la joie d'un jeune lecteur (vers 10 ans ?), en panachant en rythme Alice au pays des merveilles, Narnia de C. S. Lewis et Lombres de China Miéville. C'est un peu trop enfantin pour moi, qui ai deux décennies de lecture de plus.

Critique macédonienne de la pensée française, Viktor Pelevine
Réussir à ne pas dresser encore une couronne de lauriers à Pelevine va être compliqué, mais résumons : il s'agit d'un chouette recueil de nouvelles dont la première partie pourrait réjouir un fan du Diable est au piano de Léo Henry. On y rit de bon coeur, et la manière dont il ridiculise les nouveaux riches Russes est un régal. Par contre, la deuxième est quasi-illisible, Pelevine ayant cette tendance au débat philosophico-spirituel, qu'il mène tout seul en laissant son lecteur à la porte.

Et des expos : 
Impression globale : j'ai pas eu beaucoup de temps, mais j'ai enfin réussi à visiter les collections permanentes du Centre Pompidou (et ça suffit à ma joie, oui).

Kollektsia 
Un don de la fondation Vadimir Poutine, on l'apprend en entrant dans les salles dédiées à cette accrochage, au quatrième étage du Centre Pompidou. Cette donation porte sur l'art contemporain Russe, des 50's à nos jours. Plusieurs choses ont retenu mon attention : les photographies magnifiques de Fancisco Infante-Arana, le Sots-art dans son ensemble (en shématisant, la version soviétique et très ironique du pop-art, dont l'objet était de moquer la propagande d'Etat), et l'entrée de l'exposition, présentant les oeuvres du génial Dmitri Prigov, artiste touche-à-tout, poète, dessinateur et performeur, entre auteur d'une "Apothéose du flic", qu'on pourra le voir réciter dans une stupéfiante archive, coiffé d'une casquette de policier, de lunettes d'aviateur, devant une énorme télé, installé dans le fauteuil d'un appartement russe typique. Et malgré les années, malgré l'obstacle que constitue la langue russe, les visiteurs de l'exposition s'arrêtent de longues minutes, mesmérisés par l'humour qui transparaît de cette prestation. Dmitri Prigov est formidable, j'espère qu'on aura l'occasion d'en connaître un peu plus.

Provoke
Trois numéros de revue de photos plutôt underground publiés dans les 60's auront suffi à marquer durablement le paysage photographique japonais. Cette revue, Provoke, est le témoin des expérimentations de quelques photographes engagés, qui filment les luttes sociales de leur pays, et définissent une esthétique brute, floue, granuleuse.
L'exposition, passionante, donne une bonne idée de ce qu'était le Japon à l'époque, et la partie dédiée à la performance est jubilatoire, racontant à l'aide de photos, de plans et de vidéos, d'incroyables jeux joués avec le public, et qui permettent de se rappeler qu'aux mêmes dates, en France, c'était mai 68. 

Et des films :

Juste la fin du monde, Xavier Dolan
Ce film contient bien tous les défauts que la presse a pointés : acteurs incapables d'aller au delà du cliché, réalisation peu inventive... Mais le film survit grâce au texte de Lagarce, dont la puissance repose sur le décalage insupportable entre actes, paroles et ressentis. Enfermés avec ces phénomènes problématiques que sont les personnages, les spectateurs étouffent, et c'est ce que veut Dolan, nous impacter physiquement par la violence inutile des discours, qui disent trop des coeurs blessés qu'ils cachent et ne résolvent rien.
Je suis émotive, ça a marché.

Miss Peregrine et les enfants particuliers, Tim Burton
Un Burton enfantin, oubliable mais sympathique, adapté fidèlement du roman jeunesse éponyme. On passe un joli moment, on s'ennuie un peu car tout est très convenu.

Bonus : Des trucs que j'ai fait avec mes mains : 
Un atelier sérigraphie pour comprendre comment ça marche / un atelier sketchnote pour pareil / je suis un inscrite à un atelier d'arts plastiques où je bidouille des trucs inattendus (dont des sachets de thé secs) dans la joie la plus complète / une expérience avec un appareil photo argentique aimablement prêté, et dont le résultat, que je viens de recevoir, m'éblouit complétement (le grain, la couleur, wahou je suis wahou).

Quoi pour la suite ? Octobre est bien entamé, on verra.




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

All the murmuring bones, Angela Slatter

C'est un cliché éculé, mais nous ne sommes pas armés pour comprendre les anglos-saxons, et encore moins leurs catégories et sous-catégor...