Hey !
Cet été, j'ai décidé d'oublier la situation complexe dans laquelle nous pataugeons en m'accordant une vraie pause, uniquement constituée de lectures régressives. Mon mois d'août n'est donc constitué que de romans d'horreur US publiés en 2020, ce qui devrait me fournir une parfaite détente avant le retour à l'apocalypse quotidien.
Et quoi de mieux pour commencer cette session que ce petit bijou au ton vintage soigneusement reconstitué que constitue Mexican Gothic ?
Lectorices de Daphné Du Maurier, fans de personnages Byroniens et de maisons hantées pleines de dentelles jaunies, Silvia Moreno-Garcia nous voit et nous fait un clin d'oeil !
Naomi Taboada est une héroïne moderne pour les années 50 qu'elle traverse : héritière Mexicaine roulant talons au plancher à bord de sa belle voiture, pas encore décidée à terminer ses études ou à cesser de papillonner parmi les gentlemens qui lui tournent autour, elle reçoit un jour une curieuse lettre de sa délicate cousine Catalina, mariée au loin à une noble famille désargentée.
La lettre, très mystérieuse, laissant supposer que la jeune femme n'a plus toute sa tête, parle d'empoisonnement et de fantômes : c'est plus qu'il n'en faut pour que Naomi parte enquêter dans les montagnes, à High Place, la résidence en déshérence de la famille. L'y accueillent des anglais dégénérés et passablement racistes, et une ambiance inquiétante en diable. Heureusement, Naomi ne va pas se laisser impressionner par des sortilèges d'un autre temps !
J'ai bien conscience qu'en résumant ainsi ce roman, je vous donne l'impression de lire une quatrième de couverture d'un Alice détective en bibliothèque verte (autrement dit, Nancy Drew, pour les petits malins). Et il y a peut-être un peu de cela dans cette héroïne solide, qui se laissera très difficilement émouvoir par les malfaisances de High Place et l'étiquette d'un autre temps de ses occupants. Mais tant mieux : le récit, qui puise avec malice dans le folklore des romans gothiques, n'en est que plus agréable. Ici, le jeune premier est bouffi d'orgueil, le grand-père honorable, un vieux raciste, et le vent de fraîcheur qu'apporte l'héroïne semble bien malvenu. Le roman joue avec l'idée du fantastique, et monte patiemment en tension entre roman gothique du XIXe et ombres du cinéma d'horreur 50's, avant de choisir dans son dernier tiers une explication horrifique qui évoque irrésistiblement les seconds.
Avec Mexican Gothic, Silvia Moreno-Garcia se régale et contourne les clichés pour notre plus grande joie. Elle en profite d'ailleurs pour laisser soupçonner que les inquiétantes ombres romantiques du roman gothique du XIXe ne sont que fort peu féministes (choisissez le beau ténébreux à la demeure inquiétante et votre cousine plus maline sera obligée de venir vous tirer de là). C'est un des sous-thèmes du roman : retourner brillament les clichés gothiques pour donner à l'héroïne une chance de réfléchir, d'agir, et de décider de son propre destin. Mexican Gothic réussit donc à incarner le roman d'horreur féministe et à rendre un hommage affectueux aux récits qui l'ont précédé.
L'ensemble est un régal d'été dont il serait dommage de se priver, et dont le succès américain semble assurer une adaptation en série. Je suis curieuse de voir ça.
Mexican Gothic, Silvia Moreno-Garcia, Del Rey Books.
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