Cette frénésie de lectures horrifiques se passe plutôt bien, et il est temps à présent d'aborder le livre suivant. Quittons donc la brume des montagnes mexicaines pour le skaï veillissant d'un motel années 60, avec le réjouissant The Sun Down Motel, de Simone St James.
La lecture de romans de fantômes est un parfait passe-temps pour l'amateur d'architecture : en effet, les esprits se distinguent régulièrement par leur parfait bon goût: monastères médiévaux, demeures victoriennes, hôtels art déco, et donc, dans ce roman, motel 60's typique de la Googie architecture (on pourrait tout à fait puiser dans l'imaginaire de Sale temps à l'hôtel El Royale, étrange film de genre qu'on doit à Drew Goddard, le petit malin de La Cabane dans les bois - j'avais prévenu que cet été dégoulinerait de genre).
The Sun Down Motel nous entraîne à la suite de deux héroïnes : Viv Delaney, jeune aspirante actrice, qui échoue dans une petite ville de l'Etat de New York en 1982, et se retrouve à tenir l'accueil de nuit du fort peu reluisant Sun Down Motel, et Carly Kirk, sa nièce, qui, en 2017, à la suite d'une brouille familiale, décide de partir à la recherche de sa tante Viv, mystérieusment disparue en 1982. Et quoi de mieux, pour cela, que de se faire embaucher au même poste que sa tante, poste qui semble décidément bien manquer de candidats ?
Et à raison, car, comme tout le monde le sait dans la petite ville de Fell, une fois la nuit tombée, The Sun Down Motel regorge de fantômes et de vieux souvenirs. Les portes s'ouvrent et se ferment, des bruits de talons se font entendre sur la moquette sans âge, la machine à glaçons grince et une forte odeur de cigarette se dégage du rez-de-chaussée sans qu'on ne voie jamais le fumeur...
Fell elle-même n'est pas une charmante petite ville sans mystères : que dire de sa cohortes de jeunes filles disparues sans explication ?
C'est donc une narration à deux vitesses qui commence, un cliché qu'on trouve de plus en plus souvent, ce qui lui fait perdre de sa fraîcheur (je pense par exemple à une autre lecture d'été, The Deep, d'Anna Katsu, qui usait du même procédé de manière très artificielle). Ce n'est pas le cas ici, car l'emboîtement des récits est savament concocté pour nourrir le suspens. Le lecteur est maintenu en haleine sur les deux lignes narratives, alternativement thriller fantastique et enquête, dont il ignore les fins et qui lui réserveront un satisfaisant twist final.
Les personnages ne sont probablement que des archétypes, mais c'est la force de The Sun Down Motel de se prendre exactement pour ce qu'il est : une aventure distrayante dont les tours et détours doivent étonner.
N'est-ce pas ce qu'on demande à un bon roman de fantômes ? De savourer l'ambiance et de trembler pour les héros ? C'est ce que ce roman d'été réussit à faire, en jouant adroitement avec le lecteur.
The Sun Down Motel, Simone St James, Berkley, 2020.
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