jeudi 18 mai 2017

Choses lues et vues, printemps 2017

...Oui, égarements.



Mais nous y voilà, quand même :



Aventuriers du monde, Pierre Fournié
 Lu par hasard, un gros livre plein de photographies tirées des collections du musée du Quai Branly, du Musée de la Marine ou de la BNF, dont le propos est de retracer la politique de conquête de territoires par la France du XIXe siècle à la veille de la première guerre mondiale. Sujet qui pourrait être traité uniquement comme un fantasme de papy qui lisait des journeaux d'aventures dans son jeune âge - et qui permet d'aligner le vocabulaire assorti "têtes brûlées", "folles épopées", "hommes en quête d'absolu". Même si le livre nous présente lesdits aventuriers sous un jour très romanesque (certains d'entre eux ont droit à de de courts récits par des écrivains de voyage, pas la meilleure partie du livre), et joue à fond la carte du dépaysement suranné avec les fameuses photographies, il a le mérite de présenter de manière accessible cette course à la description géographique, et plus sinistrement, à la constitution de colonies.



Le langage de la nuit, Ursula K. Le Guin 
Encore un livre attirant des Forges de Vulcain, qui nous a déjà gratifiés de Charles Yu, de William Morris, et de Robert Mayer. Ce recueil rassemble différentes conférences, articles et avant-propos rédigés par Ursula K. Le Guin dans sa carrière. Ils abordent le sujet de la fantasy, de sa réception et de son écriture. Si quelques uns sont un peu datés, les sujets abordés présentent parfois un réél intérêt : les questions autour de la constitution des mondes de fantasy, ou de l'écriture des personnages, telles que traitées par Le Guin, sont particulièrement stimulantes, et permettent de mieux comprendre son travail d'auteur.
Son opinion sur la critique de livres mérite le détour.



Soft City, Hariton Pushwagner
Les  éditions Inculte ont choisi d'éditer une bande dessinée très curieuse, qui traîne derrière elle une "légende noire" : créée dans les 70's lorsque son auteur, l'artiste contemporain Hariton Pushwagner était tout jeune ; Lue à ce moment-là par des créateurs comme Burroughs ou Pete Townshend (rencontrés dans les bars où Pushwagner traînait), elle aurait disparu dans les 80's pour réapparaître dans un grenier en 2000. Soft City est un cauchemar dystopique à la Ballard ou à la Orange mécanique, servi par un dessin faussement maladroit qui nous entraîne dans d'étourdissantes perspectives urbaines. Dans Soft City, toutes les familles se ressemblent et se droguent pour supporter le quotidien, tous les pères ont la même voiture, et chaque jour ressemble au lendemain.


Pourquoi faut-il penser à nettoyer son aquarium, et
Que s'est-il passé à Pont-St-Esprit, Amandine Ciosi 
J'éprouve une grande fascination pour Ion éditions, éditeur angoumoisin fanatique de dessin expérimental et d'illustrateurs inventifs. Cependant, il s'agit d'expérimenter le langage graphique du dessin. En conséquence, les trames narratives sont perturbées ou absentes.
Une fois ceci admis, on s'amusera beaucoup avec les oeuvres d'Amandine Ciosi, coloriste brillante, spécialiste du non-sens et des crayons de couleurs. Le premier ouvrage est une dinguerie colorée dans laquelle un aquarium sale se trouve envahi par les membres d'un cirque aquatique. Lesquels se livrent immédiatement à des acrobaties avec plantes et poissons. Le deuxième nous raconte en noir et blanc la fameuse histoire du pain maudit de Pont-St-Esprit, où la CIA aurait expérimenté en 1951 du LSD sur les habitants de ce petit village du Gard. On ne saura pas ce qui s'y est vraiment passé, mais Ciosi s'inspire de vieilles photos pour croquer une France campagnarde surréaliste. J'aime donc beaucoup Amandine Ciosi, et alors que je la découvre tout juste, c'est avec une grande peine que j'apprends son récent décès.
On trouvera d'autres réalisations de sa main chez l'éditeur Misma.


Des films :

The lost city of Z, James Gray
Je fais partie de ces français qui aiment James Gray (ou qui aiment son directeur de la photographie), et comme je suis aussi particulièrement sensible aux récits de quête archéologique, on se doute que j'attendais ce film avec appréhension. Et finalement, l'histoire nous emmène ailleurs, là où Percy Fawcett fuit la vie Londonienne. Ce film raconte une quête spirituelle. L'image est luxuriante et superbe.

Grave, Claudia Ducournau
L'horreur française va bien, merci, avec cette prenante histoire de jeune étudiante vétérinaire qui se découvre de plus en plus attirée par ses congénères, et sombre peu à peu dans le cannibalisme. Paradoxalement, Ducournau ne joue pas la surenchère gore, et ce qu'on voit est nécessaire pour donner du sens, et jouer avec le spectateur.
Le film est malin tout du long, la dernière scène est décevante (très anecdotique, comme la fin obligatoire d'un vieux Buffy).

 The Lunchbox, Ritesh Batra
"- C'est l'histoire d'Ilah Singh, une femme mariée qui se fait tromper et qui essaye de regagner son mari en lui faisant livrer ses meilleurs petits plats le midi. Mais le livreur se trompe et la bonne cuisine atterit sur le bureau de Sajaan Fernandez, qui part en pré-retraite dans un mois...
- Ohlala ! Je m'y vois tout de suite ! C'est un indien, ça chante ça danse et ils s'aiment à la fin !
- Et bien, ça aurait pu, et le distributeur l'a marketé comme ça, mais en fait, pas du tout. Ilah et Sajaan sont de magnifiques personnages, séparément, et entament une correspondance dans laquelle ils s'entraident et se donnent des conseils. L'amour est abordé, mais ce n'est pas l'option que choisit le film, qui préfère dénouer les clichés traditionnels de la relation amoureuse, et libérer ses personnages."
C'est très touchant (et ça donne faim).


L'illustrateur : Bazooka, groupe de graphistes punks chouettes.


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