No sooner had he whistled, Kay Nielsen, 1914 |
Rosalie Blum, l'intégrale, Camille Jourdy. Actes Sud, 2016.
Un trio de grands gentils délaissés par la vie, et dont la rencontre va provoquer un peu de bonheur : Rosalie l'esseulée, qui boit dans les bars et a vécu très jeune un drame personnel dont elle ne se remet pas, sa nièce Aude, affligée d'un colocataire aux ambitions circassiennes trop ambitieuses pour le petit appartement qu'ils occupent (featuring une chasse au crocodile au tampon usagé dont nul peut faire l'économie), le mélancolique Vincent, en pleine rupture et qui vit chez sa vieille maman inquisitrice et excentrique (un incroyable personnage qui rejoue sa vie avec de petites figurines en d'hilarantes saynètes).
Le dessin plein de vivacité et les couleurs douces de Camille Jourdy traduise parfaitement la gentillesse un peu moqueuse avec laquelle elle envisage ses personnages, une sorte de mélancolie relevée de piques d'humour. Cette grosse bande-dessinée (les trois volumes forment un beau livre pesant qui fera très bien dans toute bibliothèque) constitue un petit moment de joie en plein hiver, qu'on se le dise.
La prisonnière du desert, John Ford, 1958
Tout commence par une superbe scène, dans laquelle la famille Edwards accueille avec émotion l'oncle Ethan, ancien soldat confédéré joué par John Wayne (et mercenaire ? Comme semblent l'indiquer quelques indices donnés ça et là) : l'oncle est bien évidemment peu aimable avec les indiens, très aimé par les enfants et par l'épouse de son frère. Les indiens arrivent bien assez tôt dans ce western mythique, tuent les parents et kidnappent les deux filles, la jolie Lucy et la petite Debbie. Le corps de Lucy étant rapidement retrouvé, c'est à une quête longue de plusieurs années que s'astreignent Ethan et son neveu adoptif Martin, afin de retrouver Debbie. Les processus narratifs qu'utilise John Ford pour faire avancer le récit sont plein d'astuce et savament disposés : on se régale des marqueurs de la relation entre Ethan et sa belle-soeur (la chambre, lieu des affections), de la longueur de la poursuite dont la durée est mise en valeur par l'attente de Laurie, la fiancée de Martin (et la séquence de la lecture de lettre, où le scénario suspend personnages et spectateurs au stylo de Martin). Le charme opère.
Blow up, Michelangelo Antonioni, 1966
Mais quel mec détestable que ce photographe de mode ! Suffisant, méprisant, machiste, il a tous les défauts, et le décalage dans le temps ne fait que révéler ses cabrioles exagérées de photoposeur. Une fois qu'on a un peu pesté en suivant ce sale type dans son confortable quotidien de beau gosse à pellicule, il reste les images, dont les couleurs sont d'une éblouissante beauté, et une vive curiosité pour ce témoignage d'époque sur les Swinging Sixties, ses mannequins filiformes (Verushka, Jane Birkin Jeune), ses concerts échevelés où on cassait déjà du matos (Les Yarbirds -là, regarde c'est Jimmy Page !-), cette insouciance de la jeunesse dorée ... Au milieu de tout cela le meurtre en filigrane est un cheveu dans la soupe bienvenu, dont le vrai sens ne nous sera révélé que lors de la séquence finale, stupéfiante, de tennis mimé. Qu'est-ce que le réel? demande au spectateur Antonioni, sans s'avancer à répondre. Soudain époustouflant.
Manchester by the sea / Kenneth Lonergan, 2016
La banlieue de Chicago, sous la neige, où notre concierge bougon et colérique, la quarantaine séduisante (c'est un membre de la Affleck family), s'épuise à effectuer réparations et petit entretien. Le téléphone sonne, et nous voilà graduellement plongés dans le drame de la vie de cette homme, ni plus, ni moins détestable qu'un autre, mais dont la vie est brisée en morceaux. Contraint de rentrer dans sa petite ville d'origine pour élever son jeune neveu, ado sympathique dont la présence allège l'écran de sa tension dramatique, Lee doit affronter le poids insoutenable de son passé. Pour nous faire digérer le drame dont nous allons être témoins, le scénario prend un parti doux-amer, très progressif, mélant passé et présent, humour et mélancolie. Le jeu de Casey Affleck et de Michelle Williams rend la douleur tangible, tous les acteurs sont d'une solidité remarquable, et au bout, brille une très timide lueur d'espoir.
L'illustrateur : Kay Nielsen
L'un des très grands illustrateurs de l'Âge d'Or de l'illustration, Kay Nielsen avait pour inspirations le travail d'Aubrey Beardsley et les costumes de théâtre (son père en dirigeait un et sa mère était actrice). Formé à l'académie Julian à Paris, il devient très vite un illustrateur recherché de contes. En 1914, il illustre notamment les contes les plus célèbres du folklore Norvégien, dans le recueil A l'est du Soleil, à l'Ouest de la Lune, qui paraît en 1916.
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