samedi 3 décembre 2016

Radiance, Catherynne M. Valente

Il y aurait dans l'air comme un léger parfum de chronique en retard, non ?
Moi qui avais réussi à tenir mes quatre publications par mois en septembre-octobre, novembre arrive et soudain c'est la chûte, l'échec, le zéro pointé.

Enfin bon qu'à cela ne tienne, il fait froid dehors et bien chaud dedans, une soirée douillette s'annonce, et tout est parfait pour parler plus en détail de Radiance, qui m'a donc enthousiasmée, malgré une longue lecture, car je l'ai lu en anglais, et les raffinements langagiers de l'auteur ont constitué un défi.


Radiance, lorsque Catherynne M.V. en a parlé pour la première fois sur son blog, il y a quelques années, y était décrit comme un roman "décopunk-uchroniquo-Hollywoodien, space opéra-thriller à enquête avec des baleines de l'espace."
Le tout était inspiré d'une nouvelle* publiée en 2009 dans le magazine Clarksworld, The Radiant Car Thy Sparrows drew, rédigée dans le style d'un documentaire sur le cinéma, et qui racontait la vie de Bysshe Unck, documentariste aventurière mystérieusement disparue.
En 2009, suite à cette nouvelle, C.M.V pressent qu'elle tient une idée de roman, et commence à entrevoir comment la narration multiple pourrait s'y ordonner. Selon une interview donnée à la sortie du livre, elle est consciente de ne pas être encore assez douée dans son écriture pour se lancer, et travaille sur d'autres projets. Ceci jusqu'à la fin de rédaction de Deathless (Immortel), où elle commence à attaquer le gros roman par une scène imaginant un Empire Russe vers 1940.

La suite, c'est cet étrange narration, où par le biais de divers documents, extraits de films, publicités, émissions radiophoniques, articles de presse à scandale, le lecteur reconstitue peu à peu le destin mystérieux de Severin (ex-Bysshe), et de son entourage. Ambitieux à l'extrême, le roman s'étend sur une vingtaine d'années, accumule des narrations où les personnages ont différents âges, voire apparaissent en tant que représentations cinématographiques d'eux-même, et utilise de nombreuses mises en abîme pour jouer sans cesse avec la notion de vérité, comme autant de poupées russes enchâssées.

Nous poursuivons Anchise St-John, qui poursuit Severin, qui poursuit les baleines de l'espace, pendant que le père de Severin poursuit un possible scénario de film au sujet des deux premiers...
Par ailleurs, le monde Art Déco dans lequel les personnages évolue maîtrise le vol spatial : le lecteur suit donc les personnages de planète en planète au sein du système solaire, chacune plus belle et mystérieuse que la précédente.

Avec cette vague tentative de résumé, je dois admettre que suivre le récit non-linéaire que nous offre l'auteur peut être déroutant : heureusement, les personnages tout à fait touchants dont Catherynne M. Valente a parsemé son récit forment un fil d'Ariane solide ; cela et la superbe figure de Severin Unck, qui nous est dépeinte avec tout l'art du cinéma Hollywoodien, alors que sa disparition l'a changée en mythe. Car le roman, en sus d'un véritable roman de science-fiction, d'une somme d'émotions esthétiques, est également un hommage brillament rendu au cinéma Américain du XXe siècle.

On apprécie, dans cette course à perdre haleine derrière un récit qui se cache de son lecteur, les très nombreux clins d'oeils de l'auteur aux différents genres cinématographiques, qui nous font traverser des films noirs, d'horreur, des documentaires, des films d'aventure... Pour se clore élégamment, et rassembler les fils épars du récit, avec une comédie musicale.

Pour conclure, car il est très difficile de parler clairement d'un objet aussi complexe que Radiance sans être tenté de schématiser le processus narratif avec des crayons de couleurs, ce roman est peut-être l'une des choses les plus ambitieuses que j'aie lue en Weird Fiction avec la Cité des Saints et des Fous de Jeff VanderMeer. J'espère qu'il sera traduit un jour, et je projette de suivre le travail de Catherynne M. Valente avec attention.



Radiance, Catherynne M. Valente, Tor books (édition américaine) ou Corsair (édition anglaise), 2015
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*On peut lire cette nouvelle en ligne, mais sa lecture spoile intégralement le récit de Radiance, aussi me suis-je abstenue d'ajouter le moindre lien.

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