jeudi 24 mars 2016

Annihilation, Jeff Vandermeer

Hello Hell, comme dirait Alex Maas.
Il y a quelques années, j'avais lu La Cité des Saints et des Fous, et l'univers foisonnant qu'on y trouve, qui emprunte à tous les styles littéraires tout en étant si singulier, m'avait fasciné.
Les activités de Jeff Vandermeer autour du New Weird, ce mouvement anglo-Saxon qui reçoit pas mal d'attention, sont en plus franchement attirantes.
Mais voilà un moment qu'on entend plus parler de cet auteur chez nous, qu'il n'est pas traduit, que c'est le calme plat.

Pendant qu'il n'était pas traduit en France, Jeff Vandermeer a continué d'écrire, ce qui permet au Diable Vauvert de publier cet année un roman qui date de 2014, et qui constitue le volume un de la trilogie The Southern Reach.

Annihilation nous est raconté par une femme, membre de la douzième expédition d'exploration de la zone X, territoire impropre à l'homme, déserté, et rendu à la nature. Toutes les expéditions précédentes se sont conclues par des drames, car il semble que l'on ne revient pas de la zone X, et pourtant le Gouvernement continue à envoyer des chercheurs, en modifiant à chaque fois la composition de l'équipe, son angle d'attaque, la formation qui lui est fournie.

La biologiste nous présente les conditions d'exploration, toutes parfaitement inquiétantes et qui composent les ingrédients d'un bon thriller psychologique Hitchcockien : il semblerait que la psychologue qui mène le groupe use d'hypnose pour contrôler l'équipe, et en sache plus que les autres, tout le monde dort dans les tentes désertées de l'expédition précédente, et porte à la ceinture un petit dispositif qui clignotera en rouge en cas de danger (quel type de danger ? Mystère), alors que sur place on découvre des éléments qui ne sont pas sur la carte.
C'est donc une aventure éprouvante qui commence, à travers les yeux d'une scientifique qui rationnalise beaucoup son expérience, et parvient à rester observatrice dans les situations les plus perturbantes.

Interrogé sur les sources d'inspiration de ce volume étonnant, qui mêle compte-rendu d'observation sous acide et survival horror, Jeff VanderMeer reconnait ceci : Annihilation est le fruit de ses expériences de course à pied dans un parc naturel, et de ses lectures de fantastique "nature" du début du XXe siècle, comme le formidable Algernon Blackwood (dont j'ai déjà parlé, disponible chez l'Arbre Vengeur, et qui présente un air de famille avec le roman dont nous parlons ici), et le plus discret Michel Bernanos.
Il me semble que l'on peut aussi évoquer La peau froide, d'Albert Sanchez Pinol, qui accompagnerait particulièrement bien ce texte.

Enfin, si je devais donner un avis, je dirais ceci : bien qu'Annihilation soit un livre d'une efficacité redoutable, évoquant des thématiques contemporaines (la zone X, un désastre écologique ? L'aventure, un jeu vidéo sans cesse game over ? et mentionnons aussi le féminisme assumé de VanderMeer dans les personnages des chercheuses), je lui reproche de cocher toutes les cases de son genre une à une. On pourrait faire un bingo du thriller psychologique, et Annihilation remporterait le panier garni (à tel point que l'ouvrage a remporté le fameux Prix Shirley Jackson du roman psychologique). C'est bien fait, c'est trop bien fait.

Après avoir lu La Cité des saints et des fous, et avoir compris de quoi son auteur était capable, il me semble que ce court roman ciselé est trop sage, par rapport aux collages audacieux auxquels VanderMeer nous avait habitué (ou c'est moi qui n'ai toujours pas digéré Vollmann).
Il n'en reste par moins que le livre est tout à fait satisfaisant en l'état, que l'on ne le reposera pas avant de l'avoir fini, et qu'il va falloir attendre encore un peu pour lire la suite, et comprendre ce que son auteur a en tête (il semble avoir évoqué une sorte de Lost du roman d'horreur, ce qui promet bien des choses...)

En attendant, trouver son anthologie de Weird fiction.
Absolument.

Annihilation, Jeff VanderMeer, Au Diable Vauvert, 2016.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire