dimanche 18 janvier 2015

Skinheads, John King

Pour ce tout premier compte-rendu, on s'attaque à John King.
La première fois, c'est ma rencontre au gré des livres du mois du Monde diplomatique de son dernier traduit, White trash. On y reviendra sûrement. Mais en tout cas, cette lecture-là était suffisamment intéressante pour que je décide de tout lire, jugeant que John King, c'est un peu Dickens en rock. Pour ce premier article, commençons par du lisible, de l'agréable, même : commençons par Skinheads.

Donc, les skinheads, ce qu'on en connait, nous le grand public, c'est la réputation qu'ils ont dans les médias. La violence, le racisme, les néo-nazis et les cheveux rasés.
Mais la réalité est bien plus complexe que cela, et c'est ce que veut nous montrer John King, par le biais d'une compagnie de taxis gérée par des skinheads.


Le point de vue central est alterné entre Terry English, le fondateur de la compagnie, veuf éploré et version originale des 60's, Ray, son neveu, version bagarreuse des 80's, et Laurel, son fils, fan de Sum 41 et de foot. Ce sont donc trois générations de skinheads sous le regard de John King, tous bien évidemment pétris de leurs convictions et de leurs goûts (le roman propose une véritable discographie, et un précis des marques adoptées par le mouvement), et qui sont l'occasion de démontrer ce que sont les valeurs Skinheads anglaises.
Et comme toujours, tout comme Nick Hornby le fait pour la classe moyenne, l'auteur fait de ses personnages non seulement des portes-étendards de ses romans à thèses (et selon le roman, oui, ça peut être raté), mais aussi et surtout de très beaux caractères humains.
Que cela soit au travers de la relation qui lie Laurel à son père, où des pensées qu'engendrent ses clients plus aisés chez Ray, les skinheads de King peuvent être extrémement attachants.
Bien que la violence fasse partie du tableau (quelques scènes de baston sont disséminées ça et là), les motivations des personnages très construites, et l'oubli du manichéisme permettent de dresser des portraits complexes et d'autant plus vivants de cette partie de la société Britannique.
On oublie par moments leurs tatouages et leurs Ben Sherman qui les distinguent de la mêlée humaine pour les aimer tout simplement, et leur souhaiter le meilleur (sauf cette histoire d'amour clichouyette qui traîne au détour des pages, et dont je ne vous dis pas plus, qui tombe un peu comme un cheveu sur la soupe, comme une fin un peu collée là pour faire joli, comme Defoe collait un paragraphe où les gentils étaient récompensés et les méchants punis au 19e).

Quoiqu'il en soit, c'est un roman plein d'humanité et de Doc Martens, que je vous recommande chaudement.

Et la musique, forcément : on va mettre Skinhead girl de Symarip, parce que ça ferait plaisir à Terry English.


Skinheads, de John King, traduit par Alain Defossé, Au diable Vauvert, 2012.
(et édité en poche chez Points en 2013).



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