Cette semaine, on pourra argumenter avec aisance sur le fait que "non, des nécromantes badass menant l'enquête dans l'espace, ce n'est pas de l'horreur", et on aura partiellement raison. Mais dans la mesure où l'état de nécromant implique de jouer avec la mort, de diriger des cadavres comme s'ils étaient de petits robots domestiques, et que la totalité du roman comporte des meurtres sanglants et une belle quantité de viscères, accordons nous à dire qu'on est pas si loin. Et que je fais ce que je veux, na.
Cela faisait bien longtemps que je voulais lire ce roman : je ne vois pas quel lecteur rigide et dépourvu de sensibilité artistique aurait pu résister à cette couverture, qui représente notre héroïne, Gideon, cavalière nécromante ultime, dont l'unique but semble être d'envoyer de sérieuses ondes de cool à toutes les pages. Gideon Nav, n'ayons pas peur des mots, est la version féminine de Snake Plissken, et une combattante hors pair à l'épée longue.
Ceci étant dit : Gideon a été récupérée enfant par la Neuvième Maison (un étonnant système de 9 nobles maisons de nécromants ayant promis obédience à l'Empereur Immortel, et de neuf planètes, qui caractérise le mélange de space opéra et de fantasy de ce roman), et appartient donc à ses maîtres bien malgré elle. A ses maîtres, c'est à dire à Harrowhark Nonagesimus, héritière capricieuse de la Neuvième Maison, avec laquelle elle entretient des relations orageuses reposant sur de vicieux traits d'esprits.
L'éducation stricte au sein de la Neuvième Maison a fait de Gideon une formidable guerrière, et celle-ci compte en profiter pour se libérer de son joug. Mais l'intrigue malicieuse combinée par l'autrice va contraindre Harrohark et Gideon à s'allier pour répondre à la requête de l'empereur, qui souhaite rafraîchir sa cohorte de généraux immortels.
La sélection se situe sur une planète à part, et évoque furieusement un croisement entre Agatha Christie, Dario Argento, et une télé-réalité inédite. Les rebondissements s'accumulent, et le récit va où il veut, heureusement soutenu par le ton irrévérencieux de Tamsyn Muir.
Malgré mon enthousiasme, il est honnête de reconnaître que le roman est loin d'être parfait : certaines intrigues sont grossières, l'aventure n'est pas dépourvue de longueurs et de de facilités. Mais on appréciera tout de même cette mythologie macabre étonnante, créée par Tamsyn Muir, dont les descriptions donnent au roman une ambiance fascinante : ossements partout, spectaculaires costumes tragiques des soeurs de la Neuvième Maison, et décors à gros budget.
Le traitement des personnages est plutôt bien mené, et se base sur la focalisation interne autour de notre cavalière. Gideon est une grosse costaude, pas forcément brillante, mais en tant que notre narratrice, elle perçoit ses spécificités comme normales. C'est donc au travers des réactions des autres personnages que nous découvrons l'effet qu'elle fait. Combien elle impressionne, combien elle effraye ou se comporte comme une enfant, et certaines de ces scènes sont éminement satisfaisantes.
Ce qui a tendance à me faire penser que l'apparence des choses est essentielle dans ce roman, qui est une sorte de grand décor de théâtre dans lequel les personnages se donnent à coeur-joie. Hélas, cela peut aussi conduire à un certain manque de profondeur dans l'intrigue principale (que cette fin semble artificielle !), mais le plaisir de lecture reste intense, et on aurait bien tort de se priver de la verve que Tamsyn Muir prête à ses héroïnes.
Pour ma part, je vais me jeter sur la suite.
Gideon the ninth, Tamsyn Muir, The Locked Tomb #1, Tor.com.