lundi 12 septembre 2016

Le livre sacré du loup-garou, Viktor Pelevine

Viktor Pelevine écrit des romans plus ou moins fantastiques, et, comme de nos jours, les frontières entre littérature blanche, littérature de l'imaginaire, autres genres, et tutti sont aléatoires, poreuses, et/ou inexplicables, le livre dont il va être question a été publié chez Denoël & d'ailleurs en 2009.



Dans Le livre sacré du loup-garou, notre narratrice, la brillante A Huli (dont on apprend que le nom, prononcé en russe, constitue une grossièreté), est une renarde-garou de 1200 ans qui se prostitue auprès des nouveaux riches pour survivre*.
Son état de renarde lui permet de projeter à ses clients leurs fantasmes les plus secrets, et elle vit en spectatrice désabusée de la vie des humains depuis un long moment, lorsqu'elle rencontre un autre loup-garou.

A Huli est indépendante, sarcastique, aventurière, c'est à la fois un beau personnage et un paravent idéal pour Victor Pelevine, qui se moque ici de la société Russe contemporaine -et de la société actuelle en général, d'ailleurs. On y trouve les fameuses formules brillantes qui ont fait son succès, et qui m'évoquent par moment les envolées cyniques d'Irvine Welsh ou de Chuck Pahlaniuk. La traduction de Galia Ackerman et Pierre Lorrain n'est pas pour rien dans cette réussite, car je me doute que rendre la langue bien particulière que Pelevine prête à A Huli n'est pas chose facile.

Alors, disais-je, elle rencontre un loup-garou. S'ensuit une histoire d'amour tout à fait distrayante, les deux étant des lettrés qui se jettent à la tête des références culturelles de toutes époques et tous niveaux visant à réfléchir à la société dans laquelle ils vivent (des jeux vidéos, des contes, les grands classiques russes et les chefs d'oeuvres du cinéma international : tout y passe). Et A Huli, qui aime analyser ses propres émotions, fait par ailleurs une amusante présentation des sentiments qu'elle éprouve, toute surprise de se retrouver touchée par le sentiment amoureux.

Dans le roman post-moderne (et c'est ce qu'écrit Victor Pelevine), l'action est surtout prétexte à autre chose. Aussi, pas d'étonnement devant le côté forcé, pleinement satirique, des événements qui se produisent, le coeur de l'action étant plutôt les idées propagées par Adèle et Sacha (les petits noms amoureux de nos deux héros). Dont on se délecte réellement, car, comme je l'ai déjà écrit, le roman exsude la culture bien utilisée, drôle, intelligente, et qui nous permet de nous faire une idée de l'état d'esprit de la Russie actuelle.

Cependant, la fin du roman (50, 70 pages) est une longue communication sur la mystique et l'illusion, dont une partie est artificiellement traitée en dialogue dans l'espoir de la rendre plus digeste, et que j'ai eu du mal à apprécier. Je crois qu'elle a beaucoup à voir avec le rôle que Pelevine prête à ses personnages : Sacha, en tant qu'incarnation du Russe 19-20e siècle peut continuer grâce à ses illusions romantiques et idéalistes, quand il faut un autre remède aux réflexions réalistes et désenchantées d'A Huli, âme résolument postmoderne (et il semble évident que Pelevine partage plutôt le point de vue de la renarde).

Heureusement, juste avant, on s'amuse beaucoup, il y a des pages de citations à recopier dans un coin de votre zibaldone personnel.
La lecture de Pelevine est absolument mémorable.


Le livre sacré du loup-garou, Viktor Pelevine, traduit par Galia Ackermann et Pierre Lorrain. Denoël, 2009.

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*Ce résumé me met positivement en joie.

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