dimanche 1 mai 2016

Choses vues et lues, mars-avril 2016

Et hop.
Sur la longueur, alors que c'est de ma table de balcon, avec un thé citron que j'écris (la banlieue a ses luxes, et de toute façon 300 grammes de henné rouge du Rajhastan sèchent sur mon cuir chevelu présentement) ça donne ça :

Anselm Kiefer au Centre Pompidou
Quand la chose est possible, toujours profiter des visites commentées du Centre Pompidou, car elles sont d'une grande aide pour appréhender des thèmes et des artistes dont on a pas l'habitude. Cela a été salvateur pour cette visite en particulier. La production d'Anselm Kiefer, artiste protéiforme à l'immense culture, est toute entière tournée vers la culture et l'histoire allemande. Il s'agit de retrouver, de restaurer et d'apaiser cette culture mise à mal lors de la parenthèse nazie, travail de mémoire pour lequel Anselm Kiefer utilise l'art, afin de l'accomplir et le dépasser. J'en parle très maladroitement, mais des toiles de ce peintre rebâtissant sur les ruines, se dégage une beauté terrible, et pourtant porteuse d'espoir. Ses assemblages, que l'on apprécie pour leur beauté et leur sophistication, parlent également de ce lent travail de reconstruction, nécessaire pour permettre un avenir (de la culture, de l'art).


In Jackson Heights, de Frederick Wiseman
Frederick Wiseman, réalisateur de documentaires à hauteur d'homme, s'est penché sur le quotidien de ce quartier de New York apprécié pour sa diversité culturelle et qui souffre cependant d'une spéculation immobilière et d'une gentrification galopante. C'est donc trois heures de saynètes prises sur le vif dans différents lieux emblématiques du quartier, qui nous sont données à voir. L'ensemble illustre bien la grande vivacité de ce quartier, et l'esprit d'entraide qui y règne : on assiste à une marche de défense contre les discriminations, aux durs témoignages d'immigrants lors de réunions de soutien, à une merveilleuse et improbable leçon de géographie New-Yorkaise donnée aux aspirants chauffeurs de taxis de toutes origines... Cette découverte assombrie cependant par la perspective de la réduction de Jackson Heights à un opération immobilière à 15 minutes du cœur de New York en métro, de la disparition de cette culture de quartier et de la paupérisation de ses habitants actuels, contraints d'aller vivre ailleurs. Un très beau travail, qui donne à voir et à penser.

La station d'Araminta de Jack Vance
Quitte à en parler, voilà ce que je peux en dire : pour moi, c'est du roman d'aventure vintage plein de planètes, de créatures extraterrestres soyeuses, de mecs pleins de qualités comme de vrais chefs scouts 60's, de girls sexys (bon, la co-héroïne est intelligente et courageuse, mais il y a quand même deux femmes qui se font séduire et/ou violer avant d'être assassinées sans que leur entourage ne soit trop triste). Les décors sont chouettes, et malheureusement, malgré l'aspect ensoleillé de cette lecture de plage, on y détecte des bribes de conservatisme qui m'ont gêné.

Renaître de Susan Sontag
On lit essentiellement Sontag, de nos jours, pour son notable Sur la photographie, ouvrage qui est toujours considéré comme une référence (et que je finirai par lire, c'est bien noté). Avant d'écrire brillamment, Sontag a été une jeune femme assoiffée de connaissances, que l'on découvre dans ce premier journal, qui commence un peu avant son entrée à l'université et se clôt alors qu'elle devenue une figure de la vie New Yorkaise. On assiste donc à la fondation d'un esprit, avec ses lectures admirablement ambitieuses, mais également à la maturation d'une femme adulte avec ses doutes, ses échecs, ses enthousiasmes.

La fin de l'homme rouge de Svetlana Alexievitch
La Russie, ce grand pays que nous connaissons finalement si peu. Grâce aux initiatives de la journaliste, et prix Nobel de Littérature Svetlana Alexievitch, la parole des témoins des catastrophes de l'autre côté de l'Europe nous arrive enfin, elle est dure et bouleversante. C'est l'occasion de mieux comprendre les Russes, et les conditions de vie auxquelles ils semblent perpétuellement condamnés, et une chance de voir l'Histoire à une autre hauteur.
Un texte d'une grande beauté, mais terrible à lire, et dont on gardera les traces.

Exposition Drawn and Quarterly à la Galerie Martel
Je suis toujours dans mes toutes premières tentatives de comprendre ce grand art qu'est la bande dessinée, et jusqu'à maintenant, je n'avais pas poussé jusqu'au Québec. L'excellente maison Drawn and Quartely fêtait ses 25 ans, et présentait à la Galerie Martel ses auteurs phares, et ça m'a permis de découvrir des merveilles : Linda Barry (le pendant féministe et rock de Crumb, avec des trouvailles graphiques et colorées permanentes), la troublante délicatesse de Geneviève Castrée, l'inquiétante élégance d'Anders Nielsen, les superchouettes dingueries de Marc Bell, le très précis trait de Jason Lutes... Oui, c'était formidable, j'ai une liste de lecture longue comme mes deux bras, et vu ses expos, je vais finir par demander asile à la galerie Martel pour être certaine de ne rien louper.

Céramix à la maison rouge
Cette fois, c'était un coup de cet intello de Benito Abdaloff, qui m'a entraîné à cette expo que je n'avais pas repérée et pour cause, on ne pense jamais à la céramique, gentils panurges du dessin à plat que nous sommes (well, que je suis, à tout le moins). Cette partie de l'expo (il faut aller à Sèvres voir la deuxième), est un vrai trésor pour le néophyte, et promet de faire un point sur la deuxième moitié du XXe siècle en matière de création. Il y a des pièces remarquables à voir.
Et la toute dernière partie, qui propose des vidéos de happenings de toutes époques, est vraiment très nourrissante : on y voit une réflexion sur le matériau, une chorégraphie sur le geste du sculpteur, un happening SF... (en lien, Landscape-Body-dwelling, de Charles Simonds, pardon pour l'état de la vidéo).


High Rise, Ben Whitley
OUI il y a le très esthétiquement satisfaisant Tom Hiddleston, et oui, il offre au public un superbe show-off d'une nudité imberbe et musclée dans une scène de bronzage sur la terrasse au tout début du film, oui.
Mais ce n'est pas pour ça qu'il faut aller voir ce film.
C'est avant tout une adaptation plutôt fidèle du roman de 1975 de Ballard, où l'on étudie les conditions de vie dans les immeubles de grande hauteur, pensés pour permettre à leurs occupants fortunés de ne plus en sortir (je pense à la Cité Radieuse du Corbusier -peut-être aussi parce que je suis en train de lire Sous la colline, de David Calvo). Evidemment, l'enfermement a les conséquences dont on se doute, et cela associé aux passions humaines va transformer l'expérience en survival social. Il y a plein de choses à saluer dans cette honorable version cinématographique : la reconstitution maniaque de cette époque, le casting éblouissant, le travail sur la lumière et les couleurs. Du coup, la nudité du petit frère de Thor n'est vraiment pas le point focal.

  Et c'est la fin du résumé, deux mois essentiellement passés dans les librairies et dans les bars, à jouer des murder partys avec ma copine la Brunette, à rattraper 2 ans de correspondance en retard, à me plier en cours de Pilates et à bricoler des trucs dans ma cuisine.
En musique, j'ai aimé The Fat White Family, The Black Rebel Motorcycle Club et les Savages.
Il faudrait que j'écrive un truc à ce sujet. Un jour.

Du coup, pour l'illustration, j'avais envie de trouver un portait. Quitte à choisir, autant prendre un travail avec une petite histoire assortie, je parlerai donc de J.C. Leydendecker (1874-1951), peintre commercial du début du 20e siècle, dont le travail (palette et poses comprises) inspirera par la suite Norman Rockwell. Au cours de sa longue carrière, il a exécuté des illustrations de livres pour enfants, de très nombreuses couvertures de magazines, et travaillé dans la publicité.
En 1920, son travail pour la mode masculine était particulièrement reconnu : ses affiches pour les chaussettes, les costumes, et le très célèbre Arrow Collar Man définissaient le style même du dandy.
Et donc, le portrait, le voici, une étude pour une publicité Arrow Collar des années 20 :

Tout au long de sa vie, JC. Leydecker a en effet utilisé des modèles comme base de travail (lors d'une interview, où on lui demandait des conseils pour un dessinateur débutant, il avait d'ailleurs longuement insisté sur l'importance du dessin d'après le réel). Et parmi ses sujets de prédilection, figurait son modèle préféré et compagnon, Charles Beach. Très souvent, lorsque l'on regarde une des publicités qui ont fait sa réputation, comme ici, c'est un portrait du beau Charles que l'on admire.

Et à la suite !

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