jeudi 16 mars 2017

La panse, Léo Henry

Le dernier Henry, c’est du direct en poche, paru chez Folio SF, après Le Casse du Continuum, en 2014, qui était déjà un exercice associant science-fiction et casse à la Ocean’s eleven très efficace.

A priori, le conférencier régulier de la librairie Charybde a l’intention de réaliser 3 livres avec folio SF : on a eu la SF (Le Casse), le fantastique (celui-ci), et vraisemblablement, un fantasy serait peut-être à suivre.
En bon amateur de cocktail, l'auteur nous a combiné dans ce roman urbanisme contemporain, thriller et fantastique. 
Magnifique couv' d'Aurélien Police

Dans La panse, on suit Bastien, jeune fêtard parisien, dont la soeur disparaît mystérieusement dans le quartier de La Défense. Pour enquêter, il infiltre un mystérieux groupe, qui détient entre autre Néo Clean, une société de nettoyage des bureaux -très bonnes pages sur l’aspect physique de ce métier. Très vite, on découvre que les pauses déjeuner sont dédiées à la méditation et au sport, et qu’on mange sain et bio (mmh... Ce serait pas une secte, dis ?). 

C’est l’occasion pour le science-fictionneux Strasbourgeois de s'intéresser à cette tendance de l'intégration du new age dans la vie professionnelle, par le biais de la méditation de pleine conscience, de la pratique zen... Comme le dit un personnage : “au bout du compte, les entreprises ne s’intéressent qu’au tangible [...] Ce qui leur importe, c’est l’efficacité, le quantifiable. Si une quelconque dimension spirituelle est mise en avant dans leur discours, tu peux être certain que les techniques visent en réalité un objectif matériel précis. Aucun patron n’a besoin ni envie d’employés émancipés.”
Dans le cas de la société qu’intègre Bastien, l’objectif matériel existe bel et bien, mais il faut enquêter pour le trouver : il faut s’infiltrer de niveau en niveau, car “Apis”, qui se révèle très vite une sorte de secte (Aaaah, je le savais !) où les employés logent tous ensemble dans un dortoir, a plusieurs niveaux que les initiés doivent gravir.
Niveaux qui portent des noms évocateurs de l'activité digestive "Rumen", "Panse", "Feuillet", Caillette", la secte dévorant et digérant ses membres, le sous-texte de ce court récit pouvant être "manger ou être mangé dans l'entreprise contemporaine".
Ce qui fait que je ne suis pas très étonnée d'apprendre que pour ce récit, l'auteur a été coaché par Laurent Kloetzer, à qui on devait déjà un roman remarquable sur le management des grandes entreprises, CLEER (écrit à deux avec l'autre L. Kloetzer). 

A ce stade, La panse révèle une fausse simplicité, et en a méchamment sous le capot.

Le roman comporte en plus de spectaculaires mises en scène de la Défense, de ses vides souterrains (les buildings sont bâtis sur une dalle, on trouve de très bonnes photos d’explorations urbaines sur le net), son architecture dystopique (mélange de neuf pimpant et de béton décrépit), des tours nuages juste à côté, et des éléments clés de l’histoire du quartier...
Toute cette partie : l’infiltration écrite au présent pour être plus efficace, et la description de la défense, constitue l’un des grands points forts du roman. 

Bastien, en revanche, car il faut bien nuancer à un moment, est transparent, sans doute volontairement pour permettre une meilleure immersion (un peu comme un First Person Shooter en jeu vidéo, ou comme Bella Swan dans le film romantique pour ado dont j’ai oublié le nom**). Il a bien une soeur, mais elle n’est pas très sympathique, il a bien une fille, et des parents, mais on n’arrive pas à ressentir de l’intérêt pour eux, et son objectif de quête est du coup moins prenant, ses mésaventures ont un peu moins de poids, et cela a une influence sur les 50 dernières pages.
Ce n’est pas le cas de tout le monde, la famille de Théo, Black panther de la Défense qui vit dans les Tours Nuages avec leur chien Tolstoï, est aussi cool que peu présente.

Pour autant, toute la partie “d’ambiance” sur le quartier de La Défense et son passé, tout le début de l’infiltration, est très bon, encore meilleur si on connait un peu le quartier, et toute la réflexion sur la consommation entreprenariale me réjouit.

Tout cela accompagne bien le chouette recueil Demain le travail, dont on peut se délecter à La Volte depuis fin février, et dont on reparlera.



 La panse / Léo Henry, Folio SF, 2016. 


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**Le-Vampirisme-cheveux-au-vent ? Comme-un-vampire-clignotant-dans-le-brouillard ?  Non, ça ne me revient pas...

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