lundi 19 septembre 2016

Avec joie et docilité, Johanna Sinisalo

Johanna Sinisalo, c'est cette petite dame à qui on doit cette grosse poilade cinématographique qu'est Iron Sky, mais aussi différents romans typiques du Finnish Weird, dont Jamais avant le coucher du soleil, et Le Sang des fleurs, le tout publié en France chez Actes Sud.
Avec son dernier livre traduit en France, elle nous propose non pas un fantastique subtil dans un monde contemporain qui se délite, mais de la science fiction, avec une dystopie sur le thème des différences liées au sexe.

Dans la Finlande de ce roman, le pays a dévié dans les années 50 en se basant sur des expériences de conditionnement, pour créer trois sous-espèces : les Virilos (des mecs virils mais qui peuvent aussi penser), les Eloïs (de jolies Barbies décervelées), et les Morlocks (d'affreuses femmes intelligentes, qu'on exploite et qu'on sous-paye dans l'espoir avoué de les faire disparaître un jour).
Les jeunes Finlandaises subissent toutes jeunes un test qui les assigne à telle ou telle catégorie, et prédéfinit ce que sera leur existence. Afin d'assurer une parfaite stabilité du pays, toute drogue, ou plaisir trop intense est également banni.

Mais l'héroïne du récit, Vanna, a été testée trop tard, et se retrouve Morlock cachée dans un corps d'Eloï. Elle cache son intelligence à tous, et se retrouve mêlée à un trafic de drogue, tout en enquêtant pour comprendre la soudaine disparition de sa soeur, jeune Eloï prometteuse.

Tour à tour intrigant, car la société décrite est un prolongement exagéré du sexisme et des débats sur le genre, émouvant, avec les confidences épistolaires de Vanna à sa soeur absente, et glaçant au fur et à mesure de la lecture, Avec joie et docilité est avant tout impossible à reposer avant d'avoir le fin mot de l'histoire.
La tension ne fait que monter depuis l'enfance très particulière des personnages, jusqu'à leurs débuts dans l'âge adulte, et leur potentielle rebellion, en prenant cependant le temps de colorer l'univers par le biais d'intermèdes constitués de faux documents (documentation officielle sur l'éducation à la docilité féminine, les punitions encourues, presse féminine, publicité sur le maquillage...)

Johanna Sinisalo, qui est également scénariste pour la télévision et la bande dessinée, a un art très visuel du récit : la scène qui ouvre le roman, notamment, est stupéfiante de puissance.
On ne retrouve pas de scène aussi violente dans la suite du récit, et on pourra regretter les ficelles un peu grosses de cette histoire de sexisme, mais les scènes marquantes ne manquent pas : de l'assignation des enfants à une classe, au bal des jeunes premières, en passant par la découverte par un tiers du "secret", et jusqu'à la résolution de l'énigme finale.

Un roman très distrayant, qui, à défaut de le faire subtilement, tient bien son rang en matière de science-fiction, en nous interrogeant sur les catégories sociales et ce qui les détermine.
 

Avec Joie et docilité, Johanna Sinisalo, traduite par Anne Colin du Terrail. Actes Sud, 2016.

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Apprécions également cette réjouissante couverture, réalisation de l'illustratrice Chez Gertrud.

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